Cette année, la semaine de l’orientation a comme thème l’orientation comme service essentiel. Les conseillers et conseillères d’orientation œuvrent dans trois principales branches, soient : l’orientation et la réorientation, l’insertion et la réinsertion et finalement l’adaptation et la réadaptation.
Chez Accès-Cible SMT, nous touchons davantage à la branche de l’adaptation et de la réadaptation. Cette dernière est définie comme « un processus d’ajustement aux changements fonctionnels, psychologiques et sociaux qui surviennent avec l’apparition des limitations fonctionnelles. » (Bishop, 2005)1., tandis que les deux autres branches de l’orientation touchent davantage aux choix vocationnels, à la connaissance de ses besoins et des valeurs et aux défis ou aux difficultés qui nuisent à la personne dans un emploi, comme le manque de diplômes complétés ou le parcours migratoire. Elles touchent aussi à la connaissance de soi, comme auprès d’une clientèle jeunesse chez qui l’identité n’est pas construite et cristallisée encore.
L’adaptation et la réadaptation en orientation implique davantage un deuil associé à des limitations physiques et/ou psychologiques, comme par exemple, suite à un accident ou à une psychose qui a créé des dommages importants chez une personne adulte. Il peut aussi s’agir d’un épuisement professionnel qui est venu affecter la personne considérablement dans ses capacités et son rapport au travail. D’ailleurs le terme médical pour parler du burnout s’appelle le trouble de l’adaptation. Peu importe la situation, une réorientation est parfois nécessaire temporairement ou de façon permanente vers un nouveau domaine professionnel. Dans les deux cas, celle-ci implique un deuil à court, moyen et long terme d’une profession, de capacités jadis maitrisées ou de la possibilité de travailler dans différents milieux ou types de professions qui ne sont plus adaptés à la condition actuelle de la personne.
Les conseillers et conseillères d’orientation sont davantage amené.e.s à travailler sur la nouvelle identité actuelle de la personne avec ses nouvelles capacités et limitations. Le processus aborde principalement le réalisme d’un nouveau choix d'une profession ou d’un milieu dans lesquels la personne peut œuvrer.
Certains défis viennent avec ce genre de processus d’orientation: l’estime de soi grandement affectée, la perte de sentiment de contrôle perçu, des douleurs chroniques qui limitent le fonctionnement au quotidien, la médication qui ralentit physiquement ou psychologiquement la personne, le développement de nouveaux mécanismes d’adaptation et les nombreux rendez-vous médicaux à concilier dans l’horaire de la personne.
Chez Accès-Cible SMT, nous pouvons, dans certains cas, proposer différentes mesures adaptées à la personne. Il arrive par exemple d'avoir recours à un contrat d'intégration au travail (CIT) pour encourager des milieux professionnels à adapter les tâches, le milieu et l’horaire aux limitations de la personne en échange d’une subvention salariale. Cette entente tripartite entre l’employeur.e, la personne employée et Services Québec ou l'organisme Sphère, permet à la personne de travailler tout en respectant ses limitations fonctionnelles. Des suivis réguliers avec le milieu professionnel sont faits pour s’assurer que l’entente est respectée et que la personne est dans un cadre réaliste et dans le respect de ses limitations.
Il y a également d’autres éléments à considérer dans l’environnement d’une personne qui vit avec des enjeux d’adaptation et de réadaptation: l’isolement social, la mobilité réduite, les hospitalisations et rendez-vous médicaux, les ressources financières affectées par les nombreux soins médicaux et l’accès limité aux suivis psychologiques. La personne réapprend à vivre avec des contraintes de tout genre qu’elle n’avait pas avant l'événement ou la situation de rechute des symptômes en santé mentale.
La personne est amenée à travailler à partir de son moi actuel, tout en passant à travers un deuil de son moi passé. Bien sûr, la personne conserve des valeurs, des intérêts et des capacités toujours fonctionnelles. En s'y rattachant, il est plus facile de générer de l’espoir chez elle.
Les processus d’orientation qui impliquent une réadaptation sont souvent de longs processus car ils nécessitent une redéfinition identitaire chez la personne.
Le programme préparatoire en emploi (PPE) chez Accès-Cible SMT dure 32 semaines. Il permet à la personne participante de prendre ce temps pour réapprendre à se connaitre. Il permet de tester ses différentes capacités dans le cadre d’un stage et de, par la suite, redéfinir au besoin sa cible professionnelle. Il arrive que les personnes participantes au programme réalisent durant le stage que le domaine ou l’emploi ne sont pas faits pour elles ou qu’il est trop tôt dans leur processus de réadaptation pour retourner travailler. Parfois c’est le cadre autour de l’emploi qu’il faut questionner, comme les semaines de travail de 5 jours. Un service d’orientation sert à faire un choix libre et éclairé au niveau de la cible d’emploi. Il ne faut pas oublier également qu’une démarche d’orientation n’implique pas nécessairement une nouvelle cible d’emploi. Parfois, le choix de l’environnement est plus important et significatif pour la personne que le choix de la profession.
Il est fréquent chez nos personnes participantes que la démarche d’orientation leur serve à identifier des milieux professionnels qui leur correspondent, qui sont alignés avec leurs valeurs, ce que l’on appelle en orientation le culture fit. Nous avons tous et toutes besoin de sentir que nous partageons des valeurs et convictions similaires à notre employeur.e. À travers des ateliers de connaissances de soi, du stage et d’ateliers avec une couleur employabilité, les personnes participantes au PPE sont amenées à identifier leurs valeurs et ce qui est important pour elles de retrouver dans un milieu professionnel.
Il est important dans une démarche d’orientation impliquant une réadaptation d’impliquer le plus possible la personne dans les décisions et dans la démarche. Ceci favorise son sentiment d’utilité, souvent perdu, et un sentiment de contrôle sur sa situation, également souvent rompu. La personne doit sentir qu’elle a un rôle à jouer actif dans sa vie et qu’elle peut décider pour elle-même, malgré ses limitations fonctionnelles récentes et nouvelles. Elle possède uniquement des nouvelles cartes dans son jeu avec lesquelles elle doit apprendre à manœuvrer et naviguer professionnellement et personnellement. Le travail des conseillers et conseillères d’orientation est de l’accompagner dans cette démarche.
Dorothée Beaudoin, chargée de projet sur la prévention du harcèlement et candidate à la profession de conseillère d’orientation.
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1. Bishop, M. (2005) Quality of Life and Psychosocial Adaptation to Chronic Illness and Disability: Preliminary Analysis of a Conceptual and Theoretical Synthesis. Rehabilitation Counseling Bulletin, 48, 219-231.
https://doi.org/10.1177/00343552050480040301